Floraison  •   Flowering

Floraison

Le 25 décembre 2019, j’avais théoriquement 0.0006 % de chances de tomber enceinte. Quand j’apprends quelques semaines plus tard que c’est le cas, les émotions se bousculent. Je suis heureuse, terrifiée, abasourdie, ébahie. Je sais que ma vie s’apprête à basculer, et cette échéance me submerge d’angoisse et d’émerveillement.

J’avais jusqu’alors considéré la grossesse et la maternité sans réel intérêt, comme des événements ordinaires que d’innombrables femmes connaissent. De fait, dans nos représentations traditionnelles, la grossesse est souvent banalisée, minimisée ; « ce n'est pas une maladie »,entend-on quand on en évoque les difficultés. Il est même d'usage de la cacher durant les trois premiers mois. En même temps, la grossesse est aussi sacralisée,comme s’il s’agissait d’un moment de grâce dans lequel la femmes’accomplit : on attend de la femme enceinte qu'elle« rayonne ».

Pourtant, aucune de ces représentations ne rend compte des enjeux identitaires de ces neuf mois. La grossesse est rarement envisagée dans sa dimension existentielle, alors qu'ils’agit d’un réel bouleversement, dans lequel on se perd et se redéfinit peu à peu.

L’ancien Moi s’efface, pour laisser place à un nouveau, que je ne connais pas encore.

Deux naissances s’entremêlent alors, dans ce corps qui nem’appartient plus tout à fait. Cette vie qui croît, qui grouille, est une présence à la fois réconfortante et envahissante : elle ne peut plus se faire oublier. Elle me fait vivre dans une attente perpétuelle, faite de doutes et d’espoirs.

Je ne le sais pas encore, mais elle s’appellera Flore.

Elle s’agite et nous grandissons à deux, à mesure que nous nous rapprochons d’un inéluctable inconnu.

Flowering

On December 25th 2019, I theoretically had 0.0006% chance to get pregnant. A few weeks later, when I learn that I am expecting a child, a flood of intense and contradictory emotions overcomes me. I am happy, terrified, enthralled, upset.I know that my life is about to turn upside down, and this due date fills me with wonder and anxiety.

Until then,I had never considered pregnancy and motherhood worthy of interest: to me, they were regular events that countless women experience. De facto, in our societies, pregnancy is often minimized, banalized. You shouldn’t even mention it during the first months! At the same time, it is also sanctified, as if itwere a graceful time during which woman is finally fulfilled. On the contrary, other times, it is reduced to the pain, to the physiological andclinical sides.

However, none of these representations truly describe the identity and existential stakes of these nine months. It is a time of upheaval, in which you lose and redefine yourself. The old you fades away, progressively replaced by a new one,that you haven’t met yet. Two births intertwine then, inside this body that isnot entirely ours anymore.

This life, which is growing, swarming, is indeed both a comforting and invasive presence: every second reminds me of it. It makes me live in a perpetual expectation, made of doubts and hopes. I don’t know it yet, but she will be named Flore. We grow up together, while we get closer to the miraculous and ineluctable unknown.

Post-scriptum: the French words “floraison” and “Flore” respectively mean “flowering” and “flora”in English.

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