D o p p e l g ä n g e r
Texte français
Le syndrome de « l’ami imaginaire » est une névrose caractérisée par un dérèglement excessif de l’imagination. Fonctionnant comme mécanisme de défense face à une situation hostile, ce trouble de la personnalité se manifeste par la création d’un compagnon rassurant. Cet ami est une projection fictive, n’existant que dans l’esprit de la personne qui le crée. Fréquents et considérés comme anodins durant l’enfance, les amis imaginaires peuvent perdurer jusqu’à l’âge adulte, révélant alors potentiellement un mal-être profond.
La série présente une jeune femme inséparable de son amie imaginaire, apparaissant comme un double d’elle-même. Peu à peu, elle réalise que son double n’est pas réel. Elle noie les images prouvant cette absence, et se révèle dans sa solitude.
« Doppelgänger » interroge autant le fonctionnement psychique de la névrose que la photographie elle-même. On attend traditionnellement en effet de la photographie qu’elle nous montre le réel ; or, les images numériques, généralement retouchées, font souvent polémique, ne capturant plus « l’instant décisif ».
Dans cette série, les images réalisées au réflex numérique sont de fait retouchées, et illustrent l’imaginaire du personnage, qui projette son double fantasmé ; elles côtoient des clichés instantanés (pris à l’Instax) qui eux révèlent la réalité extérieure, brute, apparaissant ainsi comme témoignages d’un monde prétendument objectif. La succession des images joue avec la perception du spectateur, et questionne de la sorte le rapport de la photographie à la vérité. A terme, on ne sait plus ce qui est rêvé ou réel. La photographie demeure alors dans l’ambiguïté, entre objectivité et subjectivité, entre témoignage et fiction… tout comme le personnage oscille entre fantasme et réalité.
English text
The “imaginary friend” syndrome is an overactive imagination disorder. It consists in creating a reassuring mental companion in order to cope with a troubling situation. This friend is a fictional projection and only exists in the mind’s person: the inner life gets the upper hand on the external world. Frequent and considered as harmless during childhood, imaginary friends can last until adulthood, and may then reveal a deep sorrow.
The narrative depicts the main character, an adult woman, who is inseparably linked to her imaginary friend, appearing as an identical reflection of herself. The narrative progresses when the main character realizes that her doppelgänger is not real. She drowns the proofs of her absence, and from then on, the heroine is shown alone, revealing the lonely reality.
The series "Doppelgänger" questions psychic neurosis as well as photography itself. Indeed, we often expect photography to depict the real world. Thus, digital pictures, usually retouched, are often criticized because they don’t catch “the decisive moment” anymore.
In this series, digital pictures are de facto retouched; they illustrate the character’s imaginary world, in which the mental double coexists. They appear along instant photos which reveal the real world, supposedly objective. These analog snapshots work as evidence of what is really happening. The pictures’ succession thus manipulates the viewer, questioning how photography has to be related to the truth. In the end, we no longer know what is real or dreamt. Photography consequently remains ambiguous, between subjectivity and objectivity, between testimony and fiction – just like the character oscillates between fantasy and reality.